Le temps de la paresse.

 Une saison de plus qui s'achève avec la dernière cueillette, celle du fenouil en octobre. Les dernières récoltes de menthe, de mélisse, de verveines, avant que ne parviennent les premiers coups de froid, et les jours trop courts pour travailler.

Récolte de 200kg de fenouil sauvage. Non non c'est pas pour le pastis! Quoi que...
La cueillette s'effectue à la faucille ou au couteau serpette en période mixte floraison/fructification, puis est coupé en tronçon d'un ou deux cm à l'aide du hâche paille.

Le rythme s'apaise, l'heure est au repos. En décembre, on ressort un peu prendre l'air pour ramasser les olives. Comme chaque année les gens sont dans leurs oliveraies, ramassent leurs olives. Au moulin, ça s'agite de partout. Ça sent l'olive fraîche, et l'huile bien sur. Comme chaque année.

Les filets sont déployés, les olives tombent, le froid nous grise, on râle contre le vent, on s'exclame au soleil. Comme chaque année.

Petite récolte de houblon sur les restanques, pour la pharmacie familiale. Les cônes ou fleurs femelles sont récoltés en fin d'été, début d'automne, alors qu'ils sont plein de cette poudre jaune que l'on aperçoit sur la photo: la lupuline. C'est celle-ci qui donne son amertume à la bière, mais c'est elle également qui confère au houblon une grande partie de ses propriétés médicinales.

Dans cette immuabilité, celle qui agite les choses essentielles, j'y trouve ma base et mon réconfort. Peu importe ce qui vient nous ébranler, quand plus rien ne semble tenir debout, autant se rapprocher du sol. Se rappeler que dans ce métier je peux venir puiser de quoi m'enraciner suffisamment solidement pour affronter tous les vents. 

Quand tu essaies de faire fuir des sangliers un peu trop familiers, mais qu'ils trouvent ça trop marrant comme jeu! 


Il y a des choses à réparer. Des terres à fumer, à amender, à rendre plus fertiles encore. Des idées à imaginer. De celles qui ont besoin de l'hiver pour accomplir leur gestation. Qui se nourrissent des joies mais aussi des pires tristesses puis transforment tout cela en quelque chose de nouveau. 
Pour être alchimiste, il suffit d'être vivant.

Comme chaque hiver, plantation de quelques arbres : c'est le rituel! Et contrairement à la plupart des rituels, celui-ci donne des fruits!

Des choses à réparer, il y en a en hiver. Entre les manches d'outils cassés, les tronçonneuses en panne, les robinets qui fuient, les mandolines à trois cordes,  et puis tout ce qui a pu un peu se déglinguer en soi c'est l'heure de prendre soin, de recoller les morceaux. Voilà pourquoi j'adore l'hiver. Parce que plus le temps passe, plus s'impose cette idée que le fait de prendre soin est une des plus belles choses que nous puissions accomplir. Une de ces  choses qui passe inaperçue, à laquelle on donne peu de valeur. Et pourtant... Il y a tant de choses dont on a oublié de prendre soin que l'on commence à peine à prendre conscience des conséquences de ce manquement.

La nouvelle cabane/atelier est finie! Les champs sont amendés cet hiver de basalte volcanique, de fumier, de poudre de corne et de broyat végétal afin de stimuler la vie du sol. J'ai ré-emmanché mon outil fétiche. Une vieille houe triangulaire Cévenole. J'adore travailler avec, en une demi-journée, une restanque en jachère est prête à recevoir les futurs rosiers! 


Ce temps précieux de l'hiver, où il est possible de se plonger dans un bouquin sans culpabiliser de prendre du retard, de faire de la musique, de donner du temps dans des projets collectifs et tant d'autres choses dont seul le fait d'avoir du temps peut ouvrir l'horizon.

Je sais que cet état, cette chance,  ce bonheur que le travail ne soit pas l'épicentre de l'existence mais une activité parmi d'autres souvent plaisante et qui a sa période de veille, cela on nous l'a volé. On a fait de nous des esclaves, bien que nous nous plaisons à nous penser libres alors que l'on nous vole la plupart de notre temps à travailler pour que d'autres s'enrichissent sur notre dos. Que l'on est censé être fiers de mener une telle vie, car ce serait une chance, bien que cela ne laisse que très peu d'espace pour notre créativité,  nos élans et nos joies. Travailler le moins possible, telle devrait être notre fierté, car dans le monde vivant la paresse à toute sa place. Il n'y a que l'être humain contemporain pour mettre le travail sur un tel pied d'estale et à l'ériger en valeur absolue.

De  cela, il serait bon de se libérer, et à  ceux qui s'en offusqueraient répondre que s'ils y tiennent tant, qu'ils fassent à leur guise. Quand à nous autres, nous pourrions  enfin remarquer les roses qui fleurissent en hiver.

Rose d'hiver, en pleine floraison dans le jardin ce jour : 20 janvier 2021
Néflier et romarin en fleurs.







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